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LA CLIENTÈLE DE LA HAUTE COUTURE : UNE RELATION PRIVILÉGIÉE ET EXIGEANTE

  • Photo du rédacteur: Camz
    Camz
  • 26 févr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 mars

La haute couture incarne depuis toujours un univers d'exclusivité et de traditions immuables. Sa clientèle se divise en deux catégories : les clientes particulières et les acheteurs professionnels, ces derniers étant exclusivement étrangers jusqu'en 1945.

Une Clientèle Particulière Exigeante et Internationale


Jusqu'en 1914, la moitié des clientes particulières de la haute couture étaient françaises. Cependant, après la Première Guerre mondiale, les fortunes américaines, notamment du Nord et du Sud, prennent le relais, compensant l'affaiblissement économique de la France et la chute des cours européennes. Dans les années 1970, ce sont les Émirats, l'Amérique du Sud et l'Extrême-Orient qui dominent le marché de la haute couture.


Durant des décennies, la vente en haute couture suit des rituels stricts et codifiés. Chaque cliente dispose d'une vendeuse attitrée, et l'organisation des essayages obéit à un protocole rigoureux. Par exemple, chez Jean Patou en 1925, 100 vendeuses utilisaient 30 cabines d'essayage pour présenter près de 700 modèles.


Jean Patou
Jean Patou

En 1963, l'arrivée de Michel Goma chez Jean Patou dynamise encore ce système : 17 vendeuses et 7 premières d'atelier travaillent sans relâche pour satisfaire une clientèle exigeante. La première vendeuse joue un rôle crucial, garantissant une relation de confiance avec la cliente. L'équipe est complétée par des secondes vendeuses, qui reçoivent une rétribution symbolique mais bénéficient d'un apprentissage privilégié au sein des maisons de couture.

Toutefois, avec la révolution sociale et économique de 1968, la clientèle de la haute couture s'amenuise. De 20 000 clientes en 1943, elle passe à seulement 2 000 en 1970, puis 200 en 1990. Certaines maisons comme Grès ou Dior connaissent une baisse progressive du nombre de clientes.


Les Acheteurs Professionnels : Entre Exclusivité et Reproduction


Les acheteurs professionnels jouent un rôle stratégique dans la haute couture, accédant aux collections un mois avant les clientes particulières. Leurs acquisitions sont facturées 40 % plus cher que celles des clientes traditionnelles, en raison des droits de reproduction. Ils ne peuvent vendre que des copies en tissu, sans accès aux croquis, patrons ou prototypes.


Chez Christian Dior en 1947, le modèle "ELLE" illustre bien ces différences tarifaires : vendu 32 000 anciens francs à une cliente, il coûte 45 000 francs à un acheteur professionnel. Contrairement aux clientes particulières, les acheteurs reçoivent les modèles sans essayage ni modification. Bien que ces ventes soient très rentables, elles ne représentent qu'environ 20 % du chiffre d'affaires de la haute couture jusqu'en 1960.


Les relations entre couturiers et acheteurs sont encadrées par la Chambre Syndicale de la Haute Couture Parisienne. Tout acheteur doit obtenir une carte officielle et respecter un strict calendrier de diffusion des collections.


Trois types d'acheteurs se distinguent :

  • Les confectionneurs, qui produisent des vêtements en série pour leur propre distribution.

  • Les magasins avec un département sur mesure ou sous-traitant la production.

  • Les couturiers travaillant à la commande.


Jusqu'en 1945, les confectionneurs français étaient exclus des salons de haute couture afin de protéger le marché national. Les confectionneurs étrangers, en revanche, ont toujours eu accès aux collections de Paris, haut lieu de l'innovation en matière de mode.


Dès 1945, certains confectionneurs français peuvent enfin assister aux présentations en payant un "droit de vision", leur permettant de s'inspirer des modèles sans les copier directement.


La Haute Couture et la "7e Avenue"

La "7e Avenue" de New York regroupe les acheteurs américains les plus influents de la haute couture. En 1968, Jean Patou attire des grands noms tels que Kimberly, Suzy Perette, Abe Schrader, Adèle Simpson et Geoffrey Beene.

Pour répartir les modèles entre confectionneurs concurrents, les couturiers doivent naviguer entre exigences stratégiques et tensions commerciales. Cependant, certains couturiers vendent leurs créations à des prix forfaitaires, permettant leur reproduction en milliers d'exemplaires, ce qui engendre un mécontentement croissant de part et d'autre.


LA RECOMMANDATION :


Du Sentier A La 7eme Avenue. La Confection Et Les Immigres Paris-New York 1880-1980
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Conclusion

La haute couture repose sur un écosystème complexe, entre tradition et adaptation aux évolutions économiques. Si les clientes particulières ont longtemps été le cœur de cette industrie, les acheteurs professionnels ont joué un rôle stratégique en diffusant le prestige des maisons de couture à l'international. Malgré le déclin du nombre de clientes depuis les années 1970, la haute couture conserve son aura et continue d'incarner l'excellence de la mode française.


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